VENISE, LA GIBIGIANA ET MARCEL PROUST
L’Ensemble Cairn propose une soirée d’escale sur les bords de l’Adriatique. Venise, ville d’eau et d’espace aura inspiré nombre d’artistes et de musiciens. Le terme de Gibigiana nous guide au long de cette soirée. C’est un mot proprement vénitien qui décrit les reflets de la lumière à la surface des eaux des canaux, phénomène visuel auquel Luigi Nono ne cesse de se référer pour parler de sa musique, comme si c’était là l’espace sonore rendu visible. Hommage du cinéma à Venise, le film muet de 1926 de René Moreau, Visions de Venise, mise en musique vient ponctuer le concert. Centrale dans ce concert, la pièce du compositeur Pierre-Yves Macé s’attache à la figure de Marcel Proust pour qui la ville de Venise est un théâtre d’enfance. Il compose une "scène d'écoute" pour petit ensemble, ténor et électronique qui se rapporte à un épisode de "La Recherche" dans lequel l’écrivain entend un gondolier entonner l’air de la célèbre chanson napolitaine O Sole mio. En écho à ce projet, les chansons vénitiennes de Reynaldo Hahn resurgissent de ce même passé. Transcrites par Vincent Bouchot, hôte de cette soirée, les chansons de Monterverdi autrefois maître de Chapelle de San-Marco, apparaîssent comme des fantômes sonores sur la vielle lagune immarcescible. Lumières de Thomas Leblanc.
nextProject :Venise, la Gibigiana et Marcel Proust / P.Y. Macé
A Pierre, del Azzurro silenzio :: Luigi Nono
pour flûte octobasse, clarinette contrebasse et électronique
Madrigal :: Claudio Monterverdi
transcription par Vincent bouchot
pour flûte, clarinette, guitare, alto et violoncelle
Venezia :: Reynaldo Hahn
transcription par Pierre-Yves Macé & Jérôme Combier
pour baryton, flûte, clarinette, guitare, alto et violoncelle
Je vais encore entendre une phrase de Sole mio :: Pierre-Yves Macé
pour baryton, flûte, clarinette, guitare, alto, violoncelle et électronique
Visions de Venise :: Renée Moreau (film muet 1926)
musiques de Nono, Monteverdi, Hahn, Macé
cet O Sole mio est comme l’envers ou le négatif de la célèbre « petite phrase » de Vinteuil qui traverse La Recherche. Contrairement à celle-ci, l’objet musical sur lequel Proust s’attarde ici pendant trois pages n’est doté d’aucune valeur en lui-même : c’est une banale rengaine, usée et stéréotypée (« Sans doute, ce chant insignifiant entendu cent fois, ne m’intéressait nullement. Je ne pouvais faire plaisir à personne ni à moi-même en l’écoutant aussi religieusement jusqu’au bout »). Et pourtant, le narrateur se met à l’aimer bien malgré lui, dans des circonstances particulières qui suspendent la prédictibilité de son bon goût d’homme cultivé. La répétition, qui est le principe même de toute rengaine, est ici l’opérateur d’un changement de point de vue sur l’objet musical, qui de romance vile se transforme aux yeux du narrateur en un véritable « chant de désespoir ».
"Cette phrase de Proust, je souhaite tout d’abord la répéter cinq fois au cours de cette "scène d'écoute", afin de redoubler le phénomène de répétition – la phrase qui parle de répétition est elle-même répétée – et de dévoiler le processus latent d’envahissement ou de contamination qui est à l’œuvre à travers elle. Bien entendu, son traitement musical, lui, ne se répétera pas exactement.
Pour commencer je compte réaliser l’enregistrement de cinq lectures de cette phrase par cinq locuteurs différents, puis effectuer une transcription musicale de ces lectures, obtenant ainsi cinq particelles différentes pour ténor/baryton à partir du même texte de départ. Les voix parlées me serviront donc simplement de support ou de patron et n’apparaîtront pas dans l’œuvre. Elles détermineront une certaine qualité d’un chant qui, sans se répéter littéralement, évoluera dans le même registre : un ambitus resserré, des mouvements intonatifs peu extravagants, peu d’écarts dans les dynamiques.
Le rôle des instruments sera partagé entre l’accompagnement du parlando vocal par sympathie et l’établissement d’un arrière-plan figural dans lequel filtrerait le souvenir citationnel d’O Sole mio. Cet arrière-plan sera ordonné par l’électronique, que j’élaborerai à partir de déstructurations électroacoustiques d’un enregistrement d’O Sole mio . Cette partie électronique sera diffusée sur un dispositif composite qui jouera sur différentes couleurs de haut-parleurs. En particulier, j’aimerais employer des mini-haut-parleurs de smartphones qui seraient actionnés sur scène par les instrumentistes. Délibérément « lo-fi » par le mince filet de fréquences médium qu’elles laissent filtrer, ces sources sonores traduisent la nuisance sonore sous sa forme la plus contemporaine. L’omniprésence de ce type de sonorité dans les lieux publics nous fournit quotidiennement une expérience analogue à l’expérience proustienne : le surgissement d’une musique non-désirée, seulement subie, avec laquelle il faut pourtant composer au sens strict."
Pierre-Yves Macé
L'ensemble Cairn
Cédric Jullion, flûtes
Ayumi Mori, clarinettes
Christelle Sery, guitare
Cécile Brossard, alto
Pablo Tognan, violoncelle
Vincent Bouchot, voix
Sébastien Naves, régie-son
Thomas Leblance, création lumière et régie générale
L’Ensemble Cairn propose une soirée d’escale sur les bords de l’Adriatique. Venise, ville d’eau et d’espace aura inspiré nombre d’artistes et de musiciens. Le terme de Gibigiana nous guide au long de cette soirée. C’est un mot proprement vénitien qui décrit les reflets de la lumière à la surface des eaux des canaux, phénomène visuel auquel Luigi Nono ne cesse de se référer pour parler de sa musique, comme si c’était là l’espace sonore rendu visible. Hommage du cinéma à Venise, le film muet de 1926 de René Moreau, Visions de Venise, mise en musique vient ponctuer le concert. Centrale dans ce concert, la pièce du compositeur Pierre-Yves Macé s’attache à la figure de Marcel Proust pour qui la ville de Venise est un théâtre d’enfance. Il compose une "scène d'écoute" pour petit ensemble, ténor et électronique qui se rapporte à un épisode de "La Recherche" dans lequel l’écrivain entend un gondolier entonner l’air de la célèbre chanson napolitaine O Sole mio. En écho à ce projet, les chansons vénitiennes de Reynaldo Hahn resurgissent de ce même passé. Transcrites par Vincent Bouchot, hôte de cette soirée, les chansons de Monterverdi autrefois maître de Chapelle de San-Marco, apparaîssent comme des fantômes sonores sur la vielle lagune immarcescible. Lumières de Thomas Leblanc.